Thèse soutenue

La « religion civile » des modernes : christianisme, individualisme et société politique

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Auteur / Autrice : Simone Leotta
Direction : Bruno Karsenti
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 30/06/2023
Etablissement(s) : Paris, EHESS
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Pierre Antoine Fabre
Examinateurs / Examinatrices : Pierre Antoine Fabre, Céline Jouin, Gabrielle Radica, Frédéric Brahami, Mélanie Plouviez
Rapporteurs / Rapporteuses : Céline Jouin, Gabrielle Radica

Résumé

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La thèse interroge la contribution ambivalente du christianisme au projet moderne. Pour ce faire, nous sommes partis de la formulation du problème qu’on trouve au chapitre VIII du livre IV du Contrat social de Rousseau : qu’il soit pris dans sa variante « Romaine » ou comme « Religion de l’Évangile », le christianisme est politiquement nuisible, et pourtant les modernes ont besoin d’une « religion civile » pour se représenter les rapports de justice qui sont immanents à la société à laquelle ils appartiennent. Ainsi, nous avons montré qu’on peut repérer dans ce chapitre du Contrat social une rupture avec la tradition contractualiste à même d’ouvrir une réflexion sur une compréhension différente du projet moderne. En faisant dialoguer la philosophie politique et les sciences sociales, cette thèse analyse le type spécifique de politisation qui est à l’œuvre dans et par la foi, en se penchant notamment sur la question de la « critique religieuse ». Dans la première partie de la thèse, nous nous sommes intéressés au concept de « religion civile » réactivé par Rousseau. Nous avons montré que pour comprendre la réactivation de ce concept dans la modernité politique il faut prendre en compte deux facteurs : d’une part, la rupture de l’unité du monde chrétien et de l’autre, le fait que les confessions religieuses historiques ne sont pas, politiquement, réduites au silence. Dans la deuxième partie de la thèse, nous avons approfondi la question de la « critique religieuse » comme problème politique chrétien. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés aux transformations politico-religieuses enclenchées par la Réforme, en essayant de comprendre comment celles-ci ont conduit le christianisme occidental qui ne se reconnaît pas dans les thèses de Luther à se repenser lui-même. Ce faisant, nous nous sommes tournés vers le Concile de Trente afin de poser les jalons d’une analyse relationnelle de la « critique religieuse ». Dans un deuxième temps, nous avons cherché à affiner l’analyse afin de mieux cerner la contribution spécifique du christianisme au projet moderne. En particulier, nous nous sommes tournés vers l’approche sociologique, laquelle suppose un décentrement comparatif du regard : en partant d’une analyse comparative avec le type ancien de religion, nous avons essayé de préciser l’apport réflexif de la « critique religieuse » chrétienne. Dans la troisième partie de la thèse, nous nous sommes efforcés d’expliciter l’arrière-plan théorique nécessaire à l’élucidation non libérale de l’essor de l’individualisme moderne. En effet, dans le Traité théologico-politique de Spinoza on trouve une réflexion sur la « critique religieuse » qui ne procède pas, comme c’est le cas chez Hobbes, d’un déni du caractère religieux de cette dernière ; dans le Contrat social de Rousseau, on observe que la doctrine du droit naturel moderne connaît une crise fatale, laquelle n’est rien d’autre que le reflet du conflit en gestation entre le « le droit » et « le social » ; enfin, La nation de Mauss offre une description du type spécifique de politisation à l’œuvre dans les sociétés nationales et qui, tout en présupposant la politisation étatique, se détache de celle-ci et ne s’y résout pas.