Thèse soutenue

De la conservation en Amazonie : norme environnementale et démocratie territoriale à l’heure du « Faire mieux avec moins ». La Guyane française et l'État brésilien de l'Amapá entre tensions et normalisations.

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Auteur / Autrice : Théo Jacob
Direction : Marie-Vic Ozouf-MarignierCatherine Aubertin
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sociologie
Date : Soutenance le 29/06/2018
Etablissement(s) : Paris Sciences et Lettres (ComUE)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Bernard Hubert
Examinateurs / Examinatrices : Bernard Hubert, Xavier Arnauld de Sartre, Marcel Bursztyn, David Dumoulin Kervran, Gilles Kleitz, Florence Pinton

Résumé

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En Amazonie, la conservation de la nature s’oriente vers le gouvernement des hommes : au nom de la biodiversité, on encadre des populations marginalisées sur des territoires périphériques. Initialement conçues comme des outils d’interdiction, les aires protégées accompagnent aujourd’hui la décentralisation. Leurs nouvelles missions de démocratie locale et de développement économique participent d’une évolution globalisée de l’administration publique, depuis une logique de « souveraineté » vers un registre de « gouvernementalité ».Par la comparaison franco-brésilienne des processus de réforme de l’État, cette thèse expose dans un premier temps comment la norme environnementale, conférant une force scientifique aux principes de diversité et de subsidiarité, incite la « recomposition libérale » d’États historiquement centralisés. Actualisant un mythe de self-government, l’Environnement dessine un nouveau « contrat social » : un projet de gouvernance morale, territorialisée, contrebalançant les inégalités par la fédération communautaire. Dans un second temps, l’étude historique de vastes aires protégées montre comment la conservation appuie le redéploiement étatique. En Amapá et en Guyane française, elle succède aux stratégies régaliennes de maintien sur une Amazonie éloignée, alternant tutelle paternaliste et délégation aux élites locales. Sur ces territoires « anormaux », où les ressources naturelles structurent de forts intérêts économiques, les institutions de conservation tentent de réconcilier différentes légitimités. Rassemblant communautés locales, responsables publics et acteurs économiques, leurs gestionnaires animent des espaces de gouvernance qui accompagnent l’autonomisation régionale. Ces arènes de concertation cherchent à contenir le développement des écarts sociaux et politiques en créant de nouvelles mobilités sur les territoires. Enfin, l’ethnographie comparée des jeux d’acteurs, des techniques d’enrôlement et des conflits émergeant, montre la nature sécuritaire de ces dispositifs pour les États centraux. La protection de l’Environnement justifie un mode de gouvernement frugal, multipliant les contre-pouvoirs et l’enchâssement des surveillances entre acteurs d’un même espace. En incitant l’émergence d’une « société civile » dans des arrière-pays sous-administrés, elle crée de nouvelles concurrences et diffuse une rationalité managériale de responsabilisation. Si l’analyse des subjectivations révèle que ces « coercitions souples » contraignent les forces politico-économiques à ajuster leurs stratégies, elle montre aussi la difficulté de ces dispositifs à satisfaire la « demande d’État » venue des populations. La comparabilité des expériences guyanaises et amapaenses interroge alors l’évolution du « modèle français », de plus en plus dépendant d’une « citoyenneté proactive », que seules les portions privilégiées des territoires voient émerger.