Thèse soutenue

Des inégalités de genre à la sélection sexuelle prénatale : la masculinité des naissances au Viêt Nam

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Auteur / Autrice : Valentine Becquet
Direction : Christophe Z. Guilmoto
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Démographie
Date : Soutenance le 19/11/2015
Etablissement(s) : Sorbonne Paris Cité
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences humaines et sociales : cultures, individus, sociétés (Paris ; 1994-2019)
Partenaire(s) de recherche : établissement de préparation : Université Paris Descartes (1970-2019)
Jury : Président / Présidente : Jacques Véron
Examinateurs / Examinatrices : Christophe Z. Guilmoto, Jacques Véron, Danièle Bélanger, María-Eugenia Cosío-Zavala, Didier Breton, Myriam de Loenzien
Rapporteurs / Rapporteuses : Danièle Bélanger, María-Eugenia Cosío-Zavala

Résumé

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De l'Albanie à la Chine, différents pays dans le monde sont affectés par des déséquilibres du rapport de masculinité à la naissance. Le Viêt Nam est de ceux parmi lesquels le phénomène est le plus récent, mais la hausse mesurée depuis 2006 est extrêmement rapide : il s'établit aujourd'hui à 112 naissances de garçons pour 100 naissances de filles au niveau national, et excède 120 dans plusieurs provinces. Au Viêt Nam, cette hausse est exclusivement liée à la sélection sexuelle prénatale, qui résulte de la combinaison de trois facteurs (Guilmoto, 2009), que cette recherche se propose de comprendre. Les couples qui ont recours aux avortements sexo-sélectifs sont disposés à le faire (facteur de demande), parce qu'ils ont une préférence pour les garçons liée à différents arguments sociaux, culturels et économiques. Ils en ont également la possibilité (facteur d'offre), grâce à la légalité du recours à l'avortement provoqué et à l'accès aux échographies qui s'est généralisé au cours de la dernière décennie, dans la majorité des zones urbaines et rurales. Enfin, il y a un facteur de pression, exercée par le faible niveau de fécondité - allant de 1,7 à 2,6 enfants par femme selon les régions en 2009 -, qui accroît le risque de ne pas avoir de fils. S'il existe de fortes disparités régionales dans les statistiques de la masculinité des naissances, partiellement liées à des différences de fécondité et de prospérité, ce sont les variations dans l'intensité de la préférence pour les garçons qui expliquent en premier lieu cette diversité. Le Delta du Fleuve Rouge, dans le Nord, est marqué par un système de parenté patriarcal et patrilinéaire, dans lequel avoir un fils apparaît indispensable pour légitimer le statut des femmes au sein de leur famille et de la société. La situation au sud du Viêt Nam apparaît plus complexe : la mixité de la descendance est privilégiée, en raison notamment du brassage culturel des Khmer bilatéraux et des Cham matrilinéaires, avec les Kinh traditionnellement patrilinéaires, qui s'est développé à travers les siècles. En outre, le Doi Moi à la fin des années 80 et la libéralisation du marché économique ont entraîné un désengagement de l'État de nombreuses structures sociales collectives et engendré une résurgence des traditions rituelles et familiales, qui ont renforcé la dimension patriarcale de la société; c'est cependant moins marqué dans le Sud, en raison de la fracture qui s'est établie durant plusieurs décennies du XXe siècle entre les deux parties du pays. Ce travail de thèse associe une analyse statistique approfondie des données du recensement de 2009 et de l'enquête intercensitaire 2014, et une étude sociologique des différents rôles de genre au sein du couple et de la famille, notamment grâce à la conduite de trois enquêtes qualitatives au Nord et au Sud du Viêt Nam. Il décrit les variations régionales de la préférence de genre, et compare les effets distincts de plusieurs caractéristiques (notamment zone urbaine ou rurale, niveau d'éducation, statut socio-économique, origine ethnique, composition sexuelle de la descendance) sur les comportements de fécondité.