Thèse soutenue

Analyse comparative des performances diagnostiques et pronostiques de sous-familles d'auto-anticorps associés à la polyarthrite rhumatoïde, dirigés contre divers épitopes immunodominants de la fibrine citrullinée et analyse de leurs réactivités croisées

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Auteur / Autrice : Martin Cornillet
Direction : Guy SerreMaria Leonor Nogueira
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Immunologie
Date : Soutenance en 2014
Etablissement(s) : Toulouse 3

Résumé

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La polyarthrite rhumatoïde (PR) est une maladie auto-immune caractérisée par une inflammation chronique des articulations synoviales qui peut aboutir à une érosion ostéo-cartilagineuse douloureuse et handicapante. Des facteurs génétiques et environnementaux et surtout des auto-anticorps, facteurs rhumatoïdes et auto-anticorps anti-protéines citrullinées (ACPA) sont associés à la PR. Les ACPA ciblent des antigènes porteurs de résidus citrullyl et en particulier, la fibrine citrullinée, auto-antigène majeur dans le tissu synovial. Ils sont très spécifiques de la maladie, apparaissent avant les signes cliniques et sont associés aux formes les plus sévères. Ils sont détectés dans le sérum des patients par des tests immuno-enzymatiques (ELISA) développés avec divers peptides/protéines citrullinés : avec le fibrinogène humain citrulliné sont détectés les AhFibA (anti-human citrullinated fibrinogen autoantibodies). Une cartographie épitopique de la fibrine citrullinée a permis d'identifier deux peptides, a36-50Cit38,42 et ß60-74Cit60,72,74, comme porteurs des épitopes immuno-dominants. L'objectif de ce travail était de caractériser ces épitopes, de développer des tests permettant de détecter spécifiquement les sous-familles d'AhFibA ciblant ces épitopes, d'évaluer la valeur diagnostique et pronostique de chaque sous-famille et d'analyser leur spécificité antigénique fine, comparativement à celle d'autres ACPA. Nous avons d'abord identifié les épitopes reconnus par les AhFibA sur a36-50Cit38,42 (a : VECit42HQ et a' : Cit38VVE) et ß60-74Cit60,72,74 (GYCit72ACit74) en utilisant de courts peptides synthétiques chevauchants (MultipinTM). Ensuite, à l'aide de constructions peptidiques originales, nous avons développé et optimisé diverses méthodes d'ELISA qui ont permis d'évaluer l'impact de la longueur et du mode de fixation des peptides (adsorption passive vs avidine-biotine), ainsi que celui de la distance entre épitope-cible et support, sur le titre et les index diagnostiques des auto-anticorps détectés. Le paramètre majeur dans la capacité d'un peptide à être reconnu par les sérums a été la distance entre épitope et biotine, indépendamment de la longueur du peptide et que celle-ci soit C- ou N-terminale. Par ailleurs a été confirmée la valeur diagnostique du peptide ß60-74Cit60,72,74 qui, sous forme biotinylée en N-terminal présente des performances égales à celles des AhFibA. A l'aide d'une une cohorte toulousaine de patients atteints de maladies rhumatologiques anciennes comportant 76% de PR AhFibA-positives (à la spécificité de 98,5%), nous avons montré que 41% des PR avaient des anti-a36-50Cit38,42 et 62 % des anti-ß60-74Cit60,72,74, plus de 90% des patients possédant l'un ou l'autre de ces anticorps. Des tests d'inhibition croisée ont permis de montrer qu'anti-a36-50Cit38,42 et anti-ß60-74Cit60,72,74 constituaient deux sous-familles d'auto-anticorps différentes. Nous avons également montré avec une cohorte camerounaise de PR anciennes, que la sensibilité diagnostique des AhFibA (73%), la proportion d'anti-a36-50Cit38,42 (45%) et celle d'anti-ß60-74Cit60,72,74 (73%) étaient similaires à celles de la cohorte toulousaine. Les caractéristiques des AhFibA dans la PR sont donc similaires chez les Noirs Africains et chez les Caucasiens montrant que cette réponse immune B liée à la maladie est largement indifférente aux facteurs génétiques et environnementaux. Parallèlement, à partir d'une cohorte française multicentrique de PR débutantes (ESPOIR), nous avons confirmé que les performances diagnostiques des AhFibA étaient similaires à celles des tests de références (anti-CCP2, anti-MCV) et nous avons montré que les proportions de sérums AhFibA-positifs contenant des anti-a36-50Cit38,42 et/ou anti-ß60-74Cit60,72,74 étaient similaires à celles des sérums de PR établies, révélant ainsi que la composition des AhFibA est homogène et indépendante du stade d'évolution de la maladie. A l'aide de la cohorte ESPOIR, nous avons aussi évalué les valeurs pronostiques des deux sous-familles d'anticorps, en analysant divers paramètres cliniques et radiologiques à trois ans d'évolution de la maladie. Les patients qui présentaient des auto-anticorps (AhFibA, anti-a36-50Cit38,42 ou anti-ß60-74Cit60,72,74) au moment du diagnostic, ont eu une érosion articulaire médiane deux fois plus rapide que les patients qui n'en avaient pas. Les AhFibA sont donc des marqueurs de mauvais pronostic et ce, quelle que soit leur spécificité fine. Sous-familles et AhFibA (présence/absence ou titre) sont associés de façon similaire avec les allèles HLA-DR de susceptibilité à la PR mais ne le sont pas avec le tabagisme. De nombreux autres peptides-cibles des ACPA ont été décrits mais leurs réactivités croisées avec les ACPA sont encore mal caractérisées. Nous avons développé un ELISA avec l'un de ces peptides citrullinés (EBNA35-58Cit) dérivé d'une protéine du virus Epstein-Barr (EBV). Nous avons montré que les patients atteints de PR qui sont EBNA35-58Cit-positifs (36% de 181 PR) constituent un sous-groupe des patients AhFibA-positifs et, par des expériences d'inhibition, que les anticorps anti-EBNA35-58Cit présentent une très forte réactivité croisée avec le peptide ß60-74Cit60,72,74. Ce résultat renforce l'hypothèse d'une implication du virus dans la physiopathologie de la PR. En conclusion, notre travail a contribué à la caractérisation des AhFibA en montrant qu'ils étaient principalement constitués de deux sous-familles d'auto-anticorps différentes dont l'une présente une forte réactivité croisée avec un peptide dérivé d'EBV. Les AhFibA et leurs sous-familles sont présentes dans les mêmes proportions chez les Caucasiens et chez les Noirs Africains, et que la PR soit établie ou débutante. L'hétérogénéité des résultats des multiples tests ELISA que nous avons développés à partir de divers peptides porteurs des mêmes épitopes immuno-dominants, montrent que toute comparaison de données publiées concernant la spécificité fine des ACPA doit être abordée avec la plus grande circonspection.