Thèse soutenue

Camus dans ses lettres : de la correspondance à l'oeuvre

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Auteur / Autrice : Moez Rebaï
Direction : Robert Steward Edward Pickering
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Doctorat Littérature française
Date : Soutenance le 20/09/2012
Etablissement(s) : Clermont-Ferrand 2 en cotutelle avec Université de la Manouba (Tunisie)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Centre de Recherches sur les Littératures et la Sociopoétique (Clermont-Ferrand, Puy-de-Dôme, France)
Jury : Président / Présidente : Fadhila Laouani
Examinateurs / Examinatrices : Hédia Abdelkefi, Sylvie Brodziak, Moncef Khémiri
Rapporteurs / Rapporteuses : Hédia Abdelkefi, Sylvie Brodziak

Mots clés

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Résumé

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Situées entre le biographique et le littéraire, les lettres de Camus jettent un éclairage nouveau sur sa personnalité, sur ses relations avec ses correspondants et sur la genèse de son style et de son œuvre. Sa correspondance éclaire son rapport avec la maladie ainsi que son attachement à la famille et à la beauté méditerranéenne de son pays natal. Son admiration pour Jean Grenier le pousse à suivre ses leçons et à les revendiquer dans ses missives, leur attribuant ainsi un aspect didactique. L’exploration de l’interface correspondance / œuvre trace un mouvement d’élargissement, un passage de l’intime au littéraire. Les lettres ouvertes de Camus empruntent à la littérature plusieurs caractéristiques. Certains correspondants de l’écrivain sont de véritables interlocuteurs qui évaluent ses œuvres et qui lui font des remarques, de manière à le conduire à les rectifier et même à les réécrire. Ses lettres constituent une précieuse mine d’informations susceptible de jeter une nouvelle lumière sur la réécriture de son premier recueil d’essais Les Voix du quartier pauvre et de Caligula. En accompagnant la plupart de ses textes depuis qu’il en conçoit le projet jusqu’à leur publication, ses missives élucident ses choix littéraires et infléchissent l’évolution de son œuvre. Elles révèlent les détours d’une production littéraire hétérogène. Sur les conseils de certains correspondants dont Grenier et Malraux, Camus abandonne la grandiloquence d’un style lyrique qui rend compte de sa passion de vivre dans ses premiers écrits. Le style dépouillé de L’Étranger ainsi que l’objectivité de la chronique de La Peste témoignent de l’influence des lettres sur l’évolution de l’œuvre. La persistance de quelques passages grandiloquents dans ces œuvres neutres, où le style dépouillé rejoint des soubassements poétiques, est le signe d’un combat entre le penchant originel de Camus à l’exaltation des sentiments et à l’emphase d’un côté, et les recommandations de son maître qui l’incite à la raideur et à l’écriture neutre. Camus dépasse cette dichotomie qui divise son œuvre en se mettant à la recherche d’un équilibre entre neutralité et emphase dans Les Justes. Il s’agit d’un équilibre entre l’objectivité d’une lucidité cartésienne et les excès d’un débordement sentimental. L’étude de l’ethos de l’épistolier qu’Aristote définit comme « la représentation de son caractère par l’orateur » révèle trois images de soi dans la correspondance de Camus : celle de l’écrivain émerveillé, celle de l’écrivain engagé et celle du journaliste honnête. Mais la question épineuse de la guerre d’Algérie condamne l’auteur de La Peste au silence et crée un décalage entre l’ethos préalable du journaliste et l’ethos discursif qu’il tient à mettre en place dans ses lettres. L’examen de l’ethos d’auteur, en particulier l’image de soi littéraire qui se construit dans L’Hôte, semble important dans la mesure où il est susceptible d’éclairer l’image de soi épistolaire d’un intellectuel indécis tiraillé entre son affection pour son pays natal, où il craint de perdre sa place et celle des siens, et sa foi en les valeurs de la liberté, de l’égalité et de la justice. Dans cette nouvelle, la conduite du héros et les choix de l’écrivain génèrent une image d’auteur placée sous le signe de l’inquiétude et de la perplexité d’un être tiraillé entre l’admiration des combattants et la condamnation de leur violence.