L’imaginaire du minéral dans l’œuvre d’Henry Bauchau
Auteur / Autrice : | Corina Bozedean |
Direction : | Catherine Mayaux, Myriam Watthée-Delmotte |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Littérature française et comparée |
Date : | Soutenance le 11/05/2012 |
Etablissement(s) : | Cergy-Pontoise |
Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale Droit et Science politique (Cergy, Val d'Oise)) |
Partenaire(s) de recherche : | Laboratoire : Laboratoire Lexiques, dictionnaires, informatique (Villetaneuse, Seine-Saint-Denis ; 2007-2017) |
Jury : | Président / Présidente : Béatrice Bonhomme |
Examinateurs / Examinatrices : Catherine Mayaux, Myriam Watthée-Delmotte, Olivier Belin | |
Rapporteurs / Rapporteuses : Aude Préta-de Beaufort |
Mots clés
Mots clés contrôlés
Mots clés libres
Résumé
Dans l'univers imaginaire d'Henry Bauchau, l'appel récurrent au minéral, par ses propriétés de froideur et de silence, semble à première vue consonner avec une thématique de la rupture et de la séparation, très présente dans ses premiers écrits. Mais, dès son premier roman, l'image de la Grande Muraille convoque deux valeurs opposées, l'une liée à l'absence de chaleur et de parole ( attachée à la figure de la mère), l'autre à l'affect et à l'avènement de la parole (attachée à la figure de l'analyste). Le paradoxe de ce double investissement métaphorique empêche de fixer toute valeur symbolique a priori et invite à analyser les rapports relationnels complexes tissés autour des images du minéral.Surgi du dialogue étroit avec le cosmos et de l'appartenance au mouvement littéraire de son époque, l'imaginaire minéral d'Henry Bauchau apparaît structuré selon les principes de la complémentarité et la réversibilité.Par l'ambivalence qui lui est constitutive, le minéral rend possible le passage du désenchantement, apparemment sans issue, à la promesse de sérénité. Lié à un mouvement de retour vers le sensible, l'accueil du minéral favorise le renforcement du sujet, après avoir contribué à sa fragilisation. Le minéral oriente l'être dans le dépassement de la conscience tragique vers une conscience cosmique, par le contact intime avec les forces visibles et invisibles de l'univers.Ainsi, le minéral ne met pas en doute chez Bauchau la notion de cohérence et d'unité, mais participe pleinement à sa réalisation, en dressant une relation entre le sujet et le monde en termes de continuité et de liaison. Le monde n'est pas seulement le lieu des épreuves et des doutes, mais également l'occasion de moments privilégiés, comme la pratique artistique, qui rétablit la cohérence entre l'homme et la matière du monde, et prolonge l'expérience individuelle dans l'expérience universelle.Le poème, à l'instar de l'homme, s'avère partie prenante de la matérialité du monde. La matière minérale apparaît au centre de l'interrogation sur l'origine des mots et sur leurs caractéristiques. La pierre, le sable, le sel, les phénomènes telluriques sont autant de référents qui structurent un métadiscours sur la matière verbale, située entre silence et émergence. De l'extraction à l'abstraction, le travail d'écrivain comporte une double démarche : s'il doit d'une part solidifier le langage soumis à l'effritement, d'autre part, il se voit obligé de tailler la matière amorphe et de sortir le langage de son inertie.L'analyse de la naissance de l'œuvre et de sa maturation, à travers les modifications successives, permet de constater combien les éléments apparemment disparates tendent à s'intégrer dans une structure organique par la recherche des connecteurs entre les parties. Ce qui fait le sens de l'œuvre, ce ne sont pas les éléments pris séparément, mais les relations qui se tissent entre eux. Pourtant, il n'est pas question pour Bauchau d'un idéal classique d'unité, conçu comme mesure et proportion, même si l'image de la pyramide, évoquée dans quelques épisodes, pourrait le laisser croire. L'érosion et la tectonique restent les principes actifs d'une écriture qui ne vise pas à reproduire le réel, mais à combler l'écart qui l'en sépare. Dès lors, le nombre d'or convoqué comme principe esthétique par un des personnages bauchaliens, n'est pas lié à l'image de la pyramide, mais au principe de la pyramide, qui vise l'équilibre entre les parties et l'ensemble.La hantise de l'architecturation, qui clôt notre parcours dans l'univers minéral bauchalien, montre le désir d'une inscription stable et cohérente et infirme le postulat initial sur le monde minéral, celui de la discontinuité.Finalement, l'unité à laquelle parviennent le moi et l'œuvre chez Bauchau est celle de la mosaïque, qui dans l'unité d'ensemble ne nie pas les différences et les singularités, qui ne refuse pas le discontinu, mais l'intègre et le dépasse.