Thèse soutenue

Utilisation des modèles mathématiques face à la COVID-19 : analyse des effets des interventions en santé publique et de la dynamique immunitaire

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Auteur / Autrice : Iris Ganser
Direction : Rodolphe ThiébautDavid Buckeridge
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Santé publique Option épidémiologie
Date : Soutenance le 11/12/2024
Etablissement(s) : Bordeaux en cotutelle avec McGill university (Montréal, Canada)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sociétés, politique, santé publique (Talence, Gironde ; 2011-....)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Bordeaux population Health
Jury : Président / Présidente : Laura Temime
Examinateurs / Examinatrices : Marta Nunes
Rapporteurs / Rapporteuses : Alison Hill, Michael White, Robert W. Platt

Résumé

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La pandémie de COVID-19, causée par le SRAS-CoV-2, a entrainé une morbidité et une mortalité importantes, mettant à rude épreuve les systèmes de santé mondiaux. Les vaccinations et les interventions non pharmaceutiques (INP) sont essentielles pour contrôler la propagation du virus. Avant les vaccins, les gouvernements s’appuyaient sur des INP dont l’impact épidémiologique et sociétal restait incertain, notamment sur plusieurs vagues pandémiques. Le déploiement des vaccins a augmenté l’immunité collective, mais l’émergence de variants préoccupants (VoCs) échappant à l’immunité et l’affaiblissement de l’immunité induite ont réduit l’immunité effective. La dynamique à long terme de ce déclin est mal comprise, surtout dans le contexte d’infections multiples et par divers VoCs. Les épidémies étant partiellement observées et leur dynamique non linéaire, les modèles mathématiques sont bien adaptés pour leur analyse. Dans ma thèse, j’ai appliqué ces modèles à diverses données COVID-19, depuis les données agrégées sur les infections et les hospitalisations jusqu’aux titres d’anticorps (Ac) chez les individus, pour quantifier l’efficacité des INP et vaccins, identifier les seuils de protection des Ac et caractériser la décroissance de l’immunité. Mon premier objectif était d’estimer l’efficacité des INP et des vaccins en France et d’explorer des scénarios contrefactuels des INP et des vaccins. Nous avons développé un modèle mécaniste ajusté aux données épidémiologiques françaises de mars 2020 à octobre 2021. Le modèle a montré une réduction significative de la transmission virale grâce aux INP, bien que leur efficacité ait diminué avec le temps. Les simulations ont montré que les vaccins avaient sauvé près de 160000 vies au cours de la période étudiée, mais qu’une mise en œuvre plus précoce ou un déploiement plus rapide aurait évité encore plus de décès. Pour comprendre la variabilité des estimations de l’efficacité des INP, nous avons évalué deux méthodologies pour mon deuxième objectif : les modèles mécanistes et une régression en deux étapes couramment utilisée, qui d’abord estime le nombre de reproduction ( Rt), puis le régresse sur les paramètres des INP. En utilisant des données simulées, les modèles mécanistes ont montré un biais minimal (0-5%) et une couverture d’intervalle de confiance (IC) élevée, tandis que les régressions en deux étapes ont montré des biais jusqu’à 20% et une couverture d’IC inferieure. Ce biais était dû à la déplétion des susceptibles et aux difficultés d’estimation de Rt, montrant que cette méthode nécessite prudence malgré sa rapidité. Les modèles épidémiologiques précis nécessitent des paramètres actualisés. Mon troisième objectif était donc 1) relier les niveaux d’Ac SARS-CoV-2 au risque de (ré)infection et 2) caractériser la décroissance des Ac. Grâce aux données d’Ac de plus de 220000 donneurs de sang canadiens entre avril 2020 et décembre 2023, nous avons constaté que les Ac anti-S et anti-N réduisaient le risque d’infection, avec un effet plus prononcé des anti-N à de faibles titres. J’ai estimé avec des modèles de décroissance biphasique que 51.3% (95% IC 40.6-66.1%) des individus tomberaient en dessous des niveaux détectables d’Ac anti-N dans les trois ans suivant une infection. La durée de détection des Ac augmentait après chaque infection. Cependant, les Ac chutaient en quelques mois en dessous des seuils requis pour une protection substantielle, même après plusieurs infections et vaccinations, indiquant la nécessité d’administrer des rappels réguliers pour maintenir la protection. Les analyses dans ma thèse soulignent l’importance des interventions rapides et du suivi continu de l’immunité pour mieux se préparer aux futures épidémies. De plus, j’ai démontré que les modèles mathématiques sont un outil puissant pour orienter la prise de décision en santé publique et les stratégies de prévention.