Thèse soutenue

Insectes, momies et pratiques funéraires : contribution de l’archéoentomologie, de la paléoparasitologie et de l’imagerie 3D à l’étude de momies préhispaniques de la côte centrale du Pérou

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Auteur / Autrice : Pauline Kirgis
Direction : Jean-Bernard HuchetAndrew John Nelson
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Anthropologie biologique
Date : Soutenance le 13/12/2023
Etablissement(s) : Bordeaux
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Sciences et Environnements
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : De la Préhistoire à l'Actuel : Culture, Environnement et Anthropologie (Talence)
Jury : Président / Présidente : Christine Couture
Examinateurs / Examinatrices : Adeline Le Cabec, Aline Thomas
Rapporteurs / Rapporteuses : Stéfano Vanin, Pierre Moret

Résumé

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Les insectes sont de puissantes sources d'information. L'application de l'entomologie médico-légale dans un contexte archéologique, désignée par le terme d'« archéoentomologie funéraire », apparaît comme une méthode pertinente pour enrichir les enquêtes sur le traitement des morts, les événements taphonomiques et, par extension, les pratiques funéraires des sociétés passées. Les recherches récentes dans ce domaine particulier de la bioarchéologie soulignent l'intérêt de l'étude de la nécrofaune invertébrée appliquée à l'archéothanatologie puisque, véritables « horloges biologiques », les insectes permettent d'établir des chronogrammes relatifs aux pratiques funéraires à des niveaux interprétatifs très distincts tels : durée de l'exposition des corps avant inhumation, processus anthropiques et/ou naturels de momification, saisonnalité du décès... Aujourd'hui peu d'études archéoentomologiques ont été consacrées aux momies préhispaniques, malgré leur forte prévalence dans la plupart des musées mondiaux. Les momies d’Amérique du Sud sont les plus vieilles au monde avec celles des Chinchorros datant de près de 5000 avant notre ère. La conservation des restes momifiés est excellente et les paquets funéraires qui enveloppent les défunts sont le reflet du monde des vivants au travers du monde des morts. L’ancien Pérou illustre à lui seul tous les étages écologiques et tous les milieux environnementaux. Certaines régions arides, comme la côte sont particulièrement favorables à la préservation des insectes et de la matière organique. Leur exosquelette riche en chitine ainsi que le climat aride du Pérou, sont très certainement les deux principaux facteurs expliquant la conservation exceptionnelle de ces derniers. Nous avons étudié un corpus de 48 paquets funéraires provenant du site de Pachacamac (côte centrale). Ces paquets ou fardos de la culture Ychma sont datés entre 1295 et 1493 de notre ère (dates calibrées). Mis au jour en 2015, consécutivement à une fouille de sauvegarde avant la construction du nouveau musée national d’Archéologie, leur étude s’inscrit dans le projet collaboratif et interdisciplinaire Mummies as Microscosms (MaM). L'étude archéoentomologique et paléoparasitologique de ce corpus bioarchéologique, d'une importance sans précédent est à même de fournir des données inédites pour ce projet en apportant des éléments de réponses au regard des trois axes de réflexion relatifs à l’archéoentomologie funéraire, la tomodensitométrie et la conservation. Cette étude nous a permis d’affiner une chronologie des gestes funéraires avant inhumation en mettant en lumière des scénarii pour chaque fardo, adaptés à la fois, à la nature des fragments archéoentomologiques collectés et au contexte environnemental. Plus de 2600 vestiges d’insectes nécrophages, nécrophiles, omnivores, kératophages, opportunistes, ou encore exogènes (ou détritiphages) et de parasites (poux de tête) ont été collectés. Ce travail met parfaitement en lumière un dilemme insoluble. À la fois la préservation incroyable du matériel permet une étude de grande précision et à la fois, la nécessité de préservation de l’intégrité des fardos, empêchant toute ouverture, réduit l’analyse archéoentomologique approfondie. Le deuxième axe de recherche concernant la mise en place novatrice d'un protocole d'étude par tomodensitométrie et endoscopie, menée sur plusieurs paquets de ce corpus a permis la visualisation de vestiges d’insectes à l’intérieur des fardos. Enfin, le troisième et dernier axe de recherche orienté vers la conservation des restes humains organiques a induit un examen systématique des paquets afin d'évaluer s’ils ont pu être impactés par des attaques récentes d'espèces muséophages pouvant, à terme, causer des dégâts irréversibles.Un travail archéoentomologique d’une telle envergure, tant au travers de prélèvements in situ que par les prismes de la tomodensitométrie et de la conservation, n’avait jamais été entrepris.