Thèse soutenue

La smartfiction : une fiction interactive à lire, un rôle à incarner ou une partie à jouer sur son smartphone ?

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Auteur / Autrice : Manon Picard
Direction : Serge BouchardonBruno Bachimont
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Sciences de l'Information et de la Communication : Connaissance, Organisation et Systèmes Techniques : Unité de recherche COSTECH (EA-2223)
Date : Soutenance le 20/06/2022
Etablissement(s) : Compiègne
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale 71, Sciences pour l'ingénieur (Compiègne)
Partenaire(s) de recherche : Laboratoire : Connaissance Organisation et Systèmes TECHniques / COSTECH

Résumé

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La smartfiction est un récit à lire et à jouer sur son smartphone. Reprenant les codes techniques, esthétiques, sociaux et culturels du smartphone pour les réinvestir dans le cadre d’une fiction, la smartfiction repose sur une dimension réflexive par rapport au smartphone. En exploitant les conventions des pratiques ordinaires du smartphone, l’utilisateur d’une smartfiction doit se projeter en tant qu’utilisateur de smartphone lorsqu'il lit, interprète et joue un récit de vie fictionnel. En effet, le propre du récit est de raconter une vie qui n’est plus la mienne ou qui n'est pas la mienne. « Moi » écoutant, je coïncide avec un temps racontant qui me projette sur le temps raconté. L'écriture et les dispositifs font du temps racontant une construction du « Moi » lisant. Dans le cadre des smartfictions, ce jeu sur le temps repose notamment sur la discussion instantanée (chat fictionnel) et les notifications (que je nomme notifictions pour désigner des notifications fictionnelles). Ainsi, l’utilisateur dispose d’un cadre pour se fondre dans le temps du récit en l’articulant à un temps de lecture. Mais ce récit, il l’interprète comme un acteur interprète un rôle au théâtre. En incarnant le rôle qui lui est attribué, l’utilisateur vit le temps du récit comme un temps joué à la première personne. Pour ce faire, il doit aborder son rôle comme s’il jouait une partie et ainsi transformer le temps du récit en un temps de jeu. Il doit « jouer le je.u ». Récit, théâtre et jeu sont alors trois modalités temporelles du temps vécu qui sont reconfigurées par la smartfiction : une histoire que l’on joue et que l’on incarne. La smartfiction relève donc d'un double statut, phénoménologique et sémiotique. En effet, le lecteur-acteur-joueur interagit avec la smartfiction et synchronise son flux de conscience avec les différents objets la composant pour vivre l’expérience de lecture à la première personne. Il synchronise son temps vécu au temps de la fiction. Cette synchronisation est rythmée par l'interaction avec les codes propres à l'utilisation d'un smartphone, qui devient le cadre sémiotique et pragmatique de la smartfiction. Ce cadre permet à la fois la contextualisation de la smartfiction et fonctionne comme une défamiliarisation du smartphone. L'étude, qui repose sur un corpus de onze smartfictions, articule ainsi une double approche phénoménologique et sémiotique. La smartfiction est un récit sur smartphone qui est arrivé à quelqu'un, un récit qui est un jeu dans lequel l’utilisateur joue comme un acteur. Avec la smartfiction, nous assistons à la naissance d’un format, voire d'un genre. L’émergence d’un nouveau genre invite à s'interroger sur son articulation aux genres existants, voire à leurs reconfigurations : la smartfiction correspond-elle à une autre manière de raconter, une autre forme de mise en scène, une autre pratique de jeu ? Ces questions renvoient également au rôle des dispositifs, rôle qui se révèle dans ces formes créatives. En particulier, la smartfiction invite à objectiver le rôle d'un smartphone dans le cadre d'un récit. La smartfiction est donc un laboratoire pour l’analyse des genres créatifs et la compréhension du rôle des supports et des dispositifs.