Thèse soutenue

Nero di carta : les Africains dans la production littéraire et iconographique de l'anthropologue Lidio Cipriani (1892-1962)

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Auteur / Autrice : Lucas Iannuzzi
Direction : Anne LafontVinzia Fiorino
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Cultures Visuelles
Date : Soutenance le 20/12/2021
Etablissement(s) : Paris, EHESS en cotutelle avec Università degli studi (Pise, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de l'École des hautes études en sciences sociales
Jury : Président / Présidente : Claudio Pogliano
Examinateurs / Examinatrices : Claudio Pogliano, Rémi Labrusse, Christian Joschke, Emanuela Rossi
Rapporteurs / Rapporteuses : Rémi Labrusse, Barbara Sòrgoni

Résumé

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L’anthropologue florentin Lidio Cipriani (1892-1962) effectua plusieurs missions de recherche sur différents terrains africains durant le fascisme. Fervent soutien des politiques raciales du régime de Mussolini, il fut, à l’été 1938, l’un des signataires du Manifesto della razza, texte programmatique raciste et antisémite qui fut le point de départ de la législation raciale au sein de la péninsule italienne. La contribution de l’anthropologue à la propagande fasciste se traduisit également par le fait qu’entre 1927 et 1930, il entreprit une première série de voyages en Afrique méridionale et centrale ; trois missions au cours desquelles il constitua un corpus d’écrits et une collection d’objets. Il réalisa aussi des photographies et des moulages anthropologiques qui devaient servir comme preuves de l’infériorité africaine, et ainsi être mises au service du nouveau projet colonial du régime fasciste. Dans le cadre de ses enquêtes ethnographiques, Cipriani fit système des photographies de terrain, par conséquent la thèse s’intéresse au travail de l’anthropologue dans le domaine visuel et, notamment, tel qu’il fut mobilisé au sein de ses ouvrages à destination du grand public. La thèse envisage donc la contribution de l’anthropologue à une grammaire visuelle – dont se saisit la propagande fasciste – qui reposait sur des motifs d’altérité infériorisant les corps africains et les prédisposant à l’assujettissement. Sous cet angle, la thèse documente et explicite les glissements répétés d’un corpus prétendument scientifique à son utilisation politique ; mettant au jour les infléchissements de sens dans la lecture et la réception de ce matériau, et leur articulation aux politiques raciales changeantes du fascisme italien. Pour mieux saisir de quelle façon la réputation de Cipriani reposa longtemps sur ces artefacts, non seulement sur le plan scientifique mais encore symboliquement et politiquement, la thèse propose d’enrichir une historiographie qui s’était jusqu’alors principalement concentrée sur les compromissions politiques de l’anthropologue, mais avait délaissé ce matériau visuel. Fondée sur l’exploitation de sources inédites, la thèse analyse donc la contribution visuelle d’un anthropologue aux politiques raciales et ségrégationnistes du régime fasciste, et les fonctions erratiques de ces images tout au long de sa carrière. Il a fallu écrire une histoire serrée de ces objets oubliés, parfois cachés, d’en suivre et d’en expliquer les circulations qui témoignent tour à tour des ambitions scientifiques, narratives et politiques de Lidio Cipriani entre 1927 et la fin des années 1950.