Thèse soutenue

L'internationalisation de la fabrique de la ville, vers un produit politique : les investissements immobiliers des pays du Golfe au Caire

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Auteur / Autrice : Maïa Sinno
Direction : Éric Denis
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Géographie et aménagement
Date : Soutenance le 03/11/2017
Etablissement(s) : Paris 1
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale de Géographie de Paris. Espace, sociétés, aménagement (Paris)
Partenaire(s) de recherche : Equipe de recherche : Centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Le Caire)
Jury : Président / Présidente : Pierre Petsimeris
Examinateurs / Examinatrices : Éric Denis, Leïla Vignal
Rapporteurs / Rapporteuses : Anna Madœuf, Raffaele Cattedra

Résumé

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La question de l'internationalisation des financements de la ville s'avère centrale pour comprendre le fonctionnement des marchés internationaux et l'évolution du rôle de l’État dans les modes de gouvernance urbaine. Elle se présente également comme une grille de lecture pertinente pour étudier les impacts sur la production urbaine des fonctionnements néolibéraux des pays en développement et de leur dépendance aux partenaires internationaux. Car l'un des enjeux de la financiarisation de la ville est celui du rôle des acteurs, notamment à travers les modes de gouvernance : lorsque l'équilibre des projets de développement urbain n'est pas garanti, qui sont les acteurs qui jouent le rôle de régulateurs? Comment le risque financier est-il distribué et absorbé, alors que le temps long entre vente et achat dans l'investissement immobilier fait exister deux temporalités différentes : celle de la finance globale, qui obéit à des logiques de court terme afin de dégager des marges de rentabilité rapides; et celle du construit urbain, davantage étalée dans le temps. Or, plus le temps de résolution du capital dans l'immobilier est long, plus le montant des valeurs excédentaires est bas. La question de la distinction entre secteur public et secteur privé est également centrale dans l'étude de ce sujet, puisque qu'elle renvoie à la signification du retrait de l’État de la gouvernance urbaine en tant que moyen pour donner davantage de pouvoir aux investisseurs privés. Étudier cette distinction est un moyen de comprendre quels sont les mécanismes de régulation et d'équilibre des marchés liés à la production de la ville. La fabrique du Caire avant et après le soulèvement populaire de 2011 dans la vague des Printemps Arabes est un laboratoire pertinent pour l'analyse de ces questionnements. Au Caire, les modes de gouvernance spécifiques basés sur l'accumulation des richesses par une élite ont été remis en question par la révolution de 2011. La succession des régimes transitoires et les nombreux procès qui ont visé les cessions de terrain frauduleuses par les hommes d'affaires les plus puissants du pays ont semblé être une avancée dans les revendications pour le droit à la ville des révolutionnaires. La lutte pour davantage de justice a provoqué une redéfinition de l'assabiya dirigeante, communauté d'acteurs publics et privés basée sur des liens de mariage et de sang. Mais elle n'a pas ébranlé le système néolibéral reposant sur les rouages de la corruption et du bakchich ainsi que sur la dépendance de la croissance égyptienne aux aides occidentales et régionales, bien au contraire. Le nouveau régime reproduit grâce à une main de fer le système néolibéral d'avant la révolution : enrichir un noyau d'acteurs privés faisant partie d'une élite proche du régime. Cette élite rassemble des proches de l'ancien régime de Moubarak, dont certains ont fait l'objet de sanctions post­révolution, appliquées, levées ou adoucies de manière arbitraire par l’État qui affirme ainsi son pouvoir sur la communauté d'acteurs privés. L'émergence de l'institution militaire comme pouvoir gouvernemental en apparence unitaire n'a pas remis en question la position d'un État centralisé, alors que les pays du Golfe sont devenus incontournables : ce sont des créanciers qu'il faudra rembourser, en liquide ou en nature, et leur poids dans l'économie égyptienne est croissant, en particulier dans le secteur immobilier. La fabrique du Caire semble s'orienter vers une urbanité exclusive et participe à la création d'un arrière-pays du Golf. [...]