Thèse soutenue

Une quête d'exactitude : machines, algèbre et géométrie pour la construction traditionnelle des équations différentielles

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Auteur / Autrice : Pietro Milici
Direction : Marco PanzaAldo Brigaglia
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Philosophie
Date : Soutenance le 17/07/2015
Etablissement(s) : Paris 1 en cotutelle avec Università degli studi (Palerme, Italie)
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Philosophie (Paris ; 1998-....)
Partenaire(s) de recherche : Etablissement d'accueil : Università degli studi (Palerme, Italie)
Laboratoire : Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques (Paris ; 1932-....)
Jury : Président / Présidente : Jean-Jacques Szczeciniarz
Examinateurs / Examinatrices : Marco Panza, Aldo Brigaglia, Gilles Aldon
Rapporteurs / Rapporteuses : Dominique Tournès

Résumé

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Dans La Géométrie de 1637, Descartes a trouvé un “équilibre” entre constructions géométriques et manipulation symbolique au moyen de l’introduction d’opportunes machines idéales. En particulier, les instruments de Descartes étaient l’algèbre polynomiale (analyse) et une classe de constructions diagrammatiques (synthèse). Cette approche implique une classification des courbes, suivant laquelle les courbes algébriques peuvent être considérées comme “purement géométriques”. Cette limite a été dépassée à l’aide d’une méthode générale par Newton et Leibniz, en introduisant l’infini dans la partie analytique, tandis que la perspective synthétique a graduellement et de plus en plus perdu de son importance par rapport à la perspective analytique (la géométrie devient un moyen de visualisation et cesse d’être un moyen de construction). L’approche fondationnelle de Descartes (analyse par éléments finis et synthèse par constructions diagrammatiques) a été tout de même étendue au-delà des limites des courbes algébriques, bien qu’en deux périodes distinctes. Vers la fin du XVII siècle la partie synthétique a été étendue avec le “mouvement tractionnel” (construction de courbes transcendantes à l’aide de machines idéalisées) et vers le début du XX siècle la partie analytique a été étendue avec l’“algèbre différentielle” (de nos jours, considérée comme une branche de l’algèbre computationnelle). L’objectif de cette thèse est de prouver comment il est possible d’obtenir un nouvel équilibre entre ces extensions (synthétique et analytique) des instruments cartésiens, un équilibre dépassant la limite des courbes algébriques et permettant de traiter une classe de problèmes transcendants. En d’autres termes, le but est de mettre en exergue comment une nouvelle convergence de machines, algèbre et géométrie est possible, permettant une fondation d’une partie de l’analyse infinitésimale sans exigence conceptuelle de l’infini. Ce travail se caractérise par l’attention qui est portée sur le rôle constructif de la géométrie (en tant qu’idéalisation du comportement de machines opportunes) à des fins fondationnelles. Cette approche, suite à la “dé-géométrisation” des mathématiques, se détache fortement du courant principal des discussions sur les mathématiques, notamment du point de vue fondationnel. Toutefois, même si aujourd’hui cette question est tombée dans l’oubli, le problème de définir des critères de constructions appropriés, très débattu à l’âge classique, a eu de profondes influences sur la façon dont les objets et les méthodes mathématiques de l’époque ont été définis. D’après la définition de Bos [2001], ce sont là les “problèmes d’exactitude” de la géométrie. Ces problèmes d’exactitude ont trait aux interprétations philosophiques et psychologiques, c’est pourquoi ils sont normalement considérés comme externes aux mathématiques. Toutefois, même si je ne vais pas apporter de réponse exhaustive, dans mes conclusions je propose une approche algorithmique (très primitive) pour cerner ces problèmes, que j’espère pouvoir approfondir dans des travaux à venir. Depuis la perspective des sciences cognitives, cette approche par rapport à l’analyse infinitésimale ne demande pas l’infini et, grâce aux machines idéalisées, peut être conçue au travers d’opportunes “métaphores fondatrices” (selon la terminologie de Lakoff and Núñez [2000]). Ce caractère concret peut avoir des retombées utiles dans la didactique des mathématiques, grâce à l’usage d’artefacts tant physiques que numériques (cette partie ne sera abordée que de façon marginale).