Facteurs de progression et évolution des hépatopathies chroniques virales et alcooliques en Guadeloupe
| Auteur / Autrice : | Moana Gélu-Siméon |
| Direction : | Michel Samson, Pascal Blanchet |
| Type : | Thèse de doctorat |
| Discipline(s) : | Recherche clinique, Innovation technologique, Santé publique |
| Date : | Soutenance en 2015 |
| Etablissement(s) : | Antilles-Guyane |
| Ecole(s) doctorale(s) : | École doctorale pluridisciplinaire (Pointe-à-Pitre ; 1996-2015) |
Résumé
Les données de prévalence des hépatites virales B et C, disponibles en Guadeloupe, ont été évaluées à 3,1% pour l’AgHBs, 22,1% pour l’Ac anti-HBc et 0,8% pour les anti-VHC en 1992 et nécessitent d’être réactualisées. L’alcool demeure également une cause majeure de cirrhose et de cancer primitif du foie dans le monde et la première en Europe. La Guadeloupe n’échapppe pas aux conséquences néfastes de l’alcool mais il n’existe aucune donnée relative à cette problématique, notamment pour la maladie alcoolique du foie. De nombreux facteurs de progression des hépatopathies chroniques et leur impact sur la réponse au traitement anti-viral ont été mis en évidence mais ceux-ci n’ont jamais été étudiés dans une population caribéenne, de même que l’effet de toxiques environnementaux sur la progression de la fibrogénèse. Objectifs : Réactualiser les données épidémiologiques des hépatopathies virales chroniques et faire un état des lieux sur leur prise en Guadeloupe. Décrire les caractéristiques épidémiologiques et cliniques des hépatopathies alcooliques chroniques en Guadeloupe. Evaluer les facteurs de progression et d’évolution des hépatopathies virales et alcooliques chroniques en Guadeloupe. Faire un état des lieux sur l’évolution et la prise en charge du carcinome hépatocellulaire (CHC) en Guadeloupe. Matériels et méthodes : Nous avons mené une enquête de prévalence des hépatites virales B et C en population générale à partir des données d’un centre de santé situé en Guadeloupe, procédé à une évaluation prospective des cas d’hépatopathies chroniques virales et alcooliques à partir des centres référents ainsi qu’à une évaluation de la prise en charge des hépatopathies chroniques par les médecins généralistes et les spécialistes, et des facteurs de progression des hépatopathies spécifiques à la Guadeloupe. Enfin, nous avons évalué les causes et la prise en charge des nouveaux cas de CHC en Guadeloupe. Résultats : Les résultats de prévalence ont été évalués à 1,41 [95% IC : 1-2] pour l’Ag HBs et 0,55 [95% IC : 0,28-0,96] pour la sérologie VHC. Le taux de vaccination contre l’hépatite B était estimé à 42% chez les adultes. Les principaux modes de contamination retrouvés étaient la voie sexuelle (28,2%), le piercing (12,9%) et l’exposition intra-familliale pour le VHB (6,4à 14,1%); les antécédents chirurgicaux (en particulier chirurgie gynécologique) (50%) pour le VHC. Le profil virologique majoritaire des patients VHB était un portage inactif, AgHBe négatif (95,8%), de génotype A1 (67,3%), D (18,2%) ou E (14,5%) ; le génotype majoritaire du VHC était un génotype 1 (80%). Les médecins généralistes, interrogés sur leurs connaissances des hépatites virales, ont répondu de façon exacte dans plus de 55% des cas et étaient majoritairement favorables à la vaccination anti-virale B. Seuls 16,9% des patients VHB ont bénéficié d’un traitement antiviral compte tenu d’un portage inactif dans plus de 75% des cas. On a estimé à 16% la proportion de patients traités pour une infection virale C en Guadeloupe avec un taux de réponse à la bithérapie à 32% (en 2010). Parmi les facteurs de moins bonne réponse au traitement antiviral, on a retenu : l’étude du polymorphisme IL28B évalué chez 54 patients porteurs du VHC avec une fréquence élevée du génotype T/T (55,3%) chez les patients afro-caribéens. La co-infection HTLV1 chez des patients infectés par le VHC laisse supposer une moins bonne réponse au traitement antiviral chez ces patients. La consommation alcoolique est également un fléau dans notre région, essentiellement basée sur le rhum avec une médiane journalière d’alcool ingéré à 50 g/jour [20-380], tandis que le vin et la bière étaient rarement consommés seuls. L’imprégnation sanguine en toxiques organochlorés, en particulier en Chlordécone constitue également un factuer de risque de progression des hépatopathies chroniques. Parmi les patients porteurs de CHC, un diagnostic tardif est à l’origine d’une prise en charge palliative, par chimio-embolisation dans 10,8% des cas ou Nexavar dans 22,9% des cas. Enfin, la majorité de ces patients (59,4%) a été traitée de façon symptomatique. Une minorité (6,7%) a reçu un traitement curatif, par chirurgie ou transplantation hépatique. Conclusion : Malgré ses relations privilégiées avec la France métropolitaine, la Guadeloupe souffre d’un isolement géographique qui complique la prise en charge thérapeutique des patients porteurs d’hépatopathie chronique virale ou alcoolique. De plus, les spécificités de ce territoire tant géographiques que culturelles ne sont pas prises en compte dans l’application des politiques de santé. Une meilleure connaissance des données épidémiologiques et des facteurs de progression de la maladie hépatique permettra d’améliorer la prise en charge des patients porteurs d’hépatopathie chronique virale ou alcoolique dans cette région.