Les concepts fondamentaux de Qutadğu Bilig de Yusuf de Balasagun : l'oeuvre charnière
Auteur / Autrice : | Mohammad H. Valy Süleymanoǧlu |
Direction : | Michel Bozdémir |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Langues, littératures et sociétés du monde |
Date : | Soutenance en 2013 |
Etablissement(s) : | Paris, INALCO |
Résumé
Reconnu comme la première oeuvre turco-musulmane, Qutadğu Bilig (1069-1070) est une source encyclopédique du savoir politique et de la réflexion écrite à l'époque de la dynastie qarakhanide (840-1212) par le penseur et homme d'État Yusuf de Balasagun, une oeuvre charnière qui a joué un rôle capital dans le développement de la langue turque et dans l'évolution de tous les pans de la société turque ancienne. Son contenu majeur s'articule autour de la description de la mission du souverain et de son chancelier, discutant de l'administration de l'État, de la société, de la justice sociale, la morale et la 'vertu politique', du rôle du savoir et de la raison. Les protagonistes de l'oeuvre sont mis en scène de façon théâtrale, exposant la civilisation des Turcs anciens sous tous ses aspects en dialoguant. Nous avons étudié cet ouvrage sous deux aspects principaux : tout d'abord la fondation de la dynastie qarakhanide comme époque de transition entre la culture des Turcs anciens et la civilisation musulmane : pourquoi, dans quelles circonstances cet État est devenu musulman, sa situation géographique, économique et culturelle, afin de comprendre dans quelle conjoncture QB a été écrit. Nous révélons ensuite la biographie de l'auteur, à ce jour demeurée énigmatique, la signification du titre du livre, la découverte des trois manuscrits qui nous sont parvenus (deux en graphie arabe, une en graphie ouïghour). Puis nous exposons la structure littéraire de l'oeuvre, sa métrique, son souffle poétique, la forme dramatique unique dans son genre. En outre, Qutadğu Bilig nous informe sur la situation de la langue turque depuis l'époque des Turcs célestes (Köktürk) jusqu'à celle des Qarakhanides, analysant le champ lexical de trois dialectes du turc ancien et leur grammaire : leur comparaison prouve qu'ils sont des variations d'un seul et même idiome. Le second aspect fondamental de notre étude consiste en un travail lexical et étymologique, une analyse du contenu sémantique et philosophique des concepts principaux de Qutadğu Bilig : le törü, (l'institution juridique et la constitution des Turcs anciens), le qut (l'imperium et la 'fortune'), leur relation, celle entre le törü et le könilik (la Justice), le törü, et le bilgelik / bügülük (la sagesse), et le bilig (le savoir), enfin celle entre l'uquş (la raison) et le köngül (l'esprit, la conscience), et enfin entre la religion et l'uquş (la raison), ce qui ouvre la porte à une interrogation : en nous livrant une vision traitant des affaires de l'État séparée des préceptes religieux (la charia), Qutadğu Bilig pose-t-il une morale pragmatique et utilitariste? Serait-il un messager -pour son époque-, de la laïcité et du sécularisme ? Nous traitons également des influences des autres cultures sur Qutadğu Bilig, religieuses : manichéisme, bouddhisme, Islam, et surtout des influences philosophiques : celle du confucianisme, de Platon, de Fârâbî et d'Aristote. Enfin nous offrons un florilège de quelques-uns des plus beaux poèmes contenus dans QB révélant un aspect supplémentaire du talent de Yusuf de Balasagun.