Thèse soutenue

Croisement du politique et du religieux : le cas du bouddhisme ésotérique shingon au Japon, au début de l'ère Heian

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Auteur / Autrice : Jean-Michel Mollier
Direction : Bruno Étienne
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Science politique
Date : Soutenance en 2008
Etablissement(s) : Aix-Marseille 3

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Né en Inde, le Mikkyo︡ (Bouddhisme Esotérique) représente une branche de la tradition tantrique au sein du bouddhisme dit "tardif", le Maha︡yana. Au VIIème siècle, le bouddhisme gagne considérablement en influence auprès des gouvernants auxquels il offre son soutien, parvenant ainsi à accroître son pouvoir. Les VIIIème et IXème siècles sont profondément marqués par les liens étroits qui unissent bouddhisme et pouvoir politique. L'histoire du Mikkyo︡, de l'Inde ancienne au Japon Antique en passant par la Chine des T'ang, est donc contiguë de celle du pouvoir. Au début du IXème siècle, le moine Ku︡kai introduit au Japon le Mikkyo︡ de la tradition Shingon qu'il organise en un rigoureux corpus. Comme en Inde et en Chine, le Mikkyo︡ s'impose auprès de l'aristocratie japonaise et gagne les faveurs d'une cour fascinée par la splendeur de ses rituels et leur réputation d'efficacité. Ku︡kai est l'un des plus grands intellectuels de l'histoire japonaise. On lui attribue l'introduction au Japon du système syllabique qui forme la base de l'écriture japonaise. Il produit une somme imposante de poèmes et décrits. En Chine, il est de nos jours encore reconnu comme un immense calligraphe, le "Maître aux Cinq Pinceaux". Il crée la première université du Japon qui est également la première université au monde. Il supervise la construction d'un barrage en 821. Ku︡kai est le découvreur d'un grand nombre de puits, de sources thermales. Expert en pharmacopée chinoise, il modernise la médecine japonaise en y associant les technologies du Mikkyo︡. La pensée de Ku︡kai aura un profond effet sur les doctrines et pratiques des autres traditions religieuses, y compris non bouddhistes, bien au-delà de son temps. L'oeuvre de Ku︡kai apparaît rétrospectivement comme une initiative unique dans l'histoire du Japon. En "Grand Majordome du Dha︡rma", il s'attache à établir la supériorité du Mikkyo︡ sur les autres écoles bouddhistes, sans pour autant jamais contester l'orthodoxie ni susciter son hostilité. Au sein d'un subtil système d'intégration, il se propose de révéler le "Mandala Secret". Il entreprend d'instaurer l'empereur en Roi de Loi, poursuivant ainsi l'idéal de ses prédécesseurs, les moines Do︡kyo︡ et Gembo︡. Après lui, aucun chef religieux ne manisfestera d'intérêt pour une redéfinition du rôle de l'empereur. Une telle trajectoire interpelle. Elle met en exergue une ambition nationale, un projet politique tout entier tourné vers la réorganisation de l'État, de ses institutions, vers la construction d'une modernité plaçant en son centre un souverain de vertu à l'image du Bodhisattva, le Saint bouddhique. Ku︡kai s'offre en une telle diversité picturale, entre religion et politique, que nous pourrions aisément perdre de vue les spécificités d'une contribution se situant sur un autre plan, un entre-deux, aux croisements du politique et du religieux. Il nous paraît à cet égard pertinent de nous demander si Ku︡kai le politologue, n'aurait pas au bout du compte contribué à maintenir vivant le rêve d'unité nationale, de tous temps fondé au Japon sur l'idéal d'une unité politique et religieuse ayant pour point d'équilibre un monarque absolu, souverain de l'absolu