Thèse soutenue

Étude sédimentologique et paléontologique des affleurements du Quaternaire le long de la côte nord orientale de la Tunisie

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Auteur / Autrice : Amel Chakroun
Direction : Dalila Zaghbib-TurkiHenry de Lumley
Type : Thèse de doctorat
Discipline(s) : Géologie
Date : Soutenance en 2006
Etablissement(s) : Perpignan en cotutelle avec Université de Tunis El Manar
Ecole(s) doctorale(s) : École doctorale Énergie environnement (Perpignan)

Mots clés

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Mots clés contrôlés

Résumé

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Les dépôts quaternaires sont bien développés le long de la côte nord-orientale de la Tunisie. Ils caractérisent principalement le Tyrrhénien (stade isotopique 5). L’étude des dépôts affleurant le long de la côte sud orientale du Cap Bon (localement à Qorba comme à Menzel Temime), nous a permis de distinguer deux unités lithostratigraphiques. L’unité inférieure, affleurant localement dans les régions de Qorba et de Menzel Temime, est de nature quartzeuse. Son terme basal est caractérisé par des dépôts sableux fins, coquilliers à malacofaune assez diversifiée (29 espèces), il est dépourvu de Strombes. Le bon état de conservation des coquilles (entières et à valves accolées) renseigne sur un environnement littoral de baie abritée. Ce terme est surmonté par un paléosol et/ou des sables dunaires qui sont localement karstifiés. Cette unité serait l’équivalent latéral de l’unité Khniss définie par Mahmoudi (1988) plus au sud, dans le Sahel et de l’unité quartzeuse décrite par Jedoui (2000) dans l’île de Jerba et la péninsule du Jorf et attribuée, par ce dernier, au sous-stade isotopique marin 5 e. L’unité supérieure est carbonatée. Elle y est nettement mieux développée que l’unité sous-jacente sur cette côte et affleure plus au nord à Kélibia et à El Haouaria, comme plus au sud, dans le reste du littoral tunisien. Elle consiste en des dépôts sablo-carbonatés, épais de 12 m. Les affleurements de cette unité sont situés à une altitude variant de 7 à 10 m au- dessus du niveau actuel de la mer. Cette unité carbonatée est composée de cinq termes. Le terme inférieur est riche en faune benthique plus diversifiée (53 espèces) que dans l’unité sous-jacente. Les coquilles y sont plus ou moins bien conservées (pouvant être à valves dissociées, usées et délabrées) témoignant d’une dynamique marine plus intense que celle enregistrée dans les dépôts de l’unité sous-jacente. Cette faune ressemble à l’actuelle faune infralittorale sénégalaise et comporte Strombus bubonius LAMARCK et Purpura haemastoma. BRUGUIERE renseignant sur un climat chaud et tropical. La nature de ces dépôts et les figures sédimentaires fossilisées témoignent d’un milieu marin soumis à un hydrodynamisme globalement modéré (absence de blocs et de galets) ayant localement enregistré l’action de tempête. Ce terme marin peut être surmonté par des dépôts de paléosol ou de colluvions (deuxième terme) comme il peut être directement surmonté par des sables oolithiques (troisième terme), fossilisant des stratifications entrecroisées de grande amplitude et riches en pellets et en faune continentale tels que des Hélicidés. Ces sables sont donc de caractère dunaire. La découverte d’un remplissage de la grotte d’El Geffel (région de Qorba), creusée dans les dépôts sommitaux de ce terme dunaire, a permis de préciser davantage les conditions du milieu durant la période succédant celle de la transgression tyrrhénienne. Ce remplissage comporte une association au moins de six espèces de grands mammifères, Phacochoerus aethiopicus PALLAS, Gazella atlantica BOURGUINAT, Alcelaphus buselaphus PALLAS, Equus mauritanicus POMEL, Ceratotherium simum BURCHELL, Hystrix cristata LINNE. De telle association, dominée par des Equidés-Rhinocérotidés et comportant des Suidés-Bovidés, témoigne d’un épisode où la végétation de savane dominait. La plupart de ces animaux sont des brouteurs, présentant une adaptation à des biotopes très ouverts en particulier les équidés graciles, les rhinocéros et les bovidés. L’unité supérieure se termine par une croûte zonaire (quatrième terme) constituant un niveau repère dans la région et représentant un indice d’aridité sévère. Elle est localement surmontée par un paléosol (cinquième terme). Cette unité carbonatée, reconnue également par Jédoui (2000) dans la région de Jerba et le Jorf, est équivalente de la formation Réjiche définie, dans le Sahel, par Pasckoff et Sanlaville (1976). Les dépôts quaternaires affleurant au niveau du rivage nord-occidental du Cap Bon sont peu développés. Ils sont riches en galets hérités essentiellement des séries gréseuses oligocènes. Dans ces dépôts, les coquilles de Strombus bubonius sont fragmentées. La fréquence de balanes et de mollusques adaptés à la vie sur des rochers (Patella spp. , Fissurella spp. ) renseigne sur le développement d’une plage rocheuse. En outre, les cupules, les V de choc, les cassures conchoïdales, etc. , observés à l’aide du microscope électronique à balayage de type environnemental, sur la surface des grains de quartz du secteur d’Aïn Oktor, nous ont permis de reconstituer l’histoire sédimentaire complexe de ces dépôts quaternaires. En effet, ces dépôts s’étaient vraisemblablement accumulés au pied d’un escarpement littoral. En outre, l’analyse exoscopique de divers grains évoque une évolution complexe et polyphasée du matériel sédimentaire. Ainsi plusieurs étapes sont envisagées: éolisation, évolution intertidale, évolution fluviatile et pédogenèse. Ces dernières montrent que les dépôts quaternaires de la région de Korbous (Aïn Oktor) résultent d’un matériel de nature et d’origine variées qui s’était accumulé au pied de cet escarpement. Plus au Nord, dans le secteur d’El Haouaria, la phase d’éolisation dans les dépôts tyrrhéniens semble être prépondérante et violente. Cette phase d’éolisation a eu lieu avant la reprise des sédiments en milieu intertidal de haute énergie. Ces éléments nous laissent supposer que ces grains de quartz se sont trouvés antérieurement à la phase marine dans une zone soumise à une violente éolisation (plate-forme continentale exondée lors d’un cycle régressif). Lors de la phase transgressive, le matériel a été resédimenté dans le milieu marin avant de s’immobiliser pour former les dépôts dunaires de l’unité supérieure carbonatée. Dans le secteur de Gammarth, dans la banlieue nord de la ville de Tunis, les grès de plages (beach rocks), très riches en coquilles de Strombus bubonius, fossilisent des indices de lithification précoce. En outre, les dépôts secondaires de silice observés sur la surface des grains de quartz comblant les cupules, les V de choc, renseignent sur une phase de nature intertidale succédant à une phase d’éolisation. Globalement, ces deux unités lithostratigraphiques affleurant le long de la côte nord orientale de la Tunisie ont enregistré deux cycles sédimentaires ayant eu lieu durant le sous stade isotopique 5 e. Chaque cycle débute par un terme marin, s’inscrivant dans le cadre d’une élévation du niveau marin global. Au cours du deuxième cycle le climat est indubitablement plus chaud et aride.