L'Idéal quotidien : poésie, société et quête d'utopie au XIXe siècle
Auteur / Autrice : | Daniel Aquinas Sipe |
Direction : | Mária Minich Brewer, Luc Fraisse |
Type : | Thèse de doctorat |
Discipline(s) : | Littérature française |
Date : | Soutenance en 2003 |
Etablissement(s) : | Université Marc Bloch (Strasbourg) (1971-2008) |
Partenaire(s) de recherche : | Autre partenaire : Université Marc Bloch (Strasbourg ; 1971-2008). Faculté des lettres modernes |
Mots clés
Résumé
Dans le présent travail j'étudie les œuvres de Charles Baudelaire et Stéphane Mallarmé afin de montrer comment leur formulation d'une pratique utopique peut servir de modèle pour comprendre les interactions complexes entre littérature et société au XIXe siècle. J'avance l'hypothèse selon laquelle les auteurs tels Baudelaire et Mallarmé ne '' montrent '' point l'utopie, mais tentent de la '' produire '', comme le dirait Michel de Certeau, à travers '' les fonctions d'une sociabilité humaine '' - notamment celle du Dandy flânant dans la ville, tout comme celle de l'épistolier esseulé regrettant une altérité absente. Ces pratiques quotidiennes, voudrais-je soutenir, se traduisent, dans le domaine de la littérature, en un langage poétique révolutionnaire. Si cette perspective, informée par un appareil théorique contemporain, veut dégager quelque chose comme une logique discursive de l'utopique, elle construit ses arguments sur une lecture historique des utopies sociales du XIXe siècle. Alors que l'effet qu'aurait pu avoir la pensée de type utopique sur l'histoire politique du siècle est aujourd'hui largement étudié, aucun travail d'érudition n'a considéré les multiples réseaux d'influence existant entre littérature, utopie et société. Cette lacune trouverait ses sources dans un des plus grands paradoxes de la littérature du XIXe siècle : en effet, plus la société se croyait en proximité avec l'utopie, plus les fantaisies littéraires se portant sur la sphère sociale sont devenues superficielles. Mais les utopies sociales, qui ont connu un exceptionnel développement au cours du XIXe siècle - du saint-simonisme au fouriérisme - semblent, après les bouleversements du milieu du siècle, dans sa seconde moitié s'être reversées au compte de la poésie : chez un Baudelaire en effet, le travail poétique - et nous employons ce mot de travail à dessein - est pensé dans un contexte économique que le lecteur premier des Fleurs du Mal ne percevra pas nécessairement, comme une '' production '' sociale à réaliser. Pour un Mallarmé en quête d'une harmonie universelle, la faillite des dispositions sociales nouvelles dévoile une carence des plus significatives, celle d'autrui. Il faut alors produire de nouveaux modes de communication et d'organisation sociales à partir d'un praxis livresque que le poète formule dans sa grande œuvre inachevée. Les utopies insoupçonnées que formulent ces poètes en réaction à la débâcle des tentatives de rénovation sociale ouvrent ainsi une voie de recherche nouvelle à partir de laquelle il serait possible de penser le XIXe siècle tout entier.